Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Le juge du référé liberté peut-il contrôler la conventionalité d’une loi ?

Cet article est gratuit ! vous pouvez le consulter dans son intégralité
Toute la jurisprudence est disponible sur www.juripredis.com

OUI : dans un arrêt d’Assemblée en date du 31 mai 2016, le Conseil d’Etat considère qu’eu égard à son office, qui consiste à assurer la sauvegarde des libertés fondamentales, il appartient au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L.521-2  du code de justice administrative (CJA), de prendre, en cas d'urgence, toutes les mesures qui sont de nature à remédier aux effets résultant d'une atteinte grave et manifestement illégale portée, par une autorité administrative, à une liberté fondamentale, y compris lorsque cette atteinte résulte de l'application de dispositions législatives qui sont manifestement incompatibles avec les engagements européens ou internationaux de la France, ou dont la mise en œuvre entraînerait des conséquences manifestement contraires aux exigences nées de ces engagement.

La compatibilité d'une loi avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) ne fait donc pas obstacle à ce que, dans certaines circonstances particulières, l'application de dispositions législatives puisse constituer une ingérence disproportionnée dans les droits garantis par cette convention.

Il appartient par conséquent au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L.521-2 du CJA, d'apprécier concrètement si, au regard des finalités des dispositions législatives en cause, l'atteinte aux droits et libertés protégés par la convention qui résulte de la mise en œuvre de dispositions, par elles-mêmes compatibles avec celle-ci, n'est pas excessive.

Ni la législation française prohibant l'insémination post mortem (L.2141-2  du code de la santé publique (CSP)), qui relève de la marge d'appréciation dont chaque Etat dispose, ni celle prohibant l'exportation de gamètes conservés en France à cette fin (L.2141-11-1 du CSP), qui vise à faire obstacle à tout contournement de l'article L.2141-2 du CSP, ne méconnaissent le droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH).

Toutefois, la compatibilité de la loi avec les stipulations de la CEDH ne fait pas obstacle à ce que, dans certaines circonstances particulières, l'application de dispositions législatives puisse constituer une ingérence disproportionnée dans les droits garantis par cette convention.

Il appartient par conséquent au juge d'apprécier concrètement si, au regard des finalités des dispositions législatives en cause, l'atteinte aux droits et libertés protégés par la convention qui résulte de la mise en œuvre de dispositions, par elles-mêmes compatibles avec celle-ci, n'est pas excessive.

En l'espèce, cas d'un couple ayant formé le projet de donner naissance à un enfant.

En raison d'une maladie grave, l'époux avait procédé à titre préventif à un dépôt de gamètes en France en vue d'une future assistance médicale à la procréation.

Ce projet n'ayant pu aboutir en raison de la détérioration brutale de l'état de santé du mari, qui a entraîné son décès, celui-ci avait explicitement consenti à ce que son épouse puisse bénéficier d'une insémination artificielle avec ses gamètes, y compris à titre posthume en Espagne, pays d'origine de celle-ci.

Dans ces conditions et en l'absence de toute intention frauduleuse de la part de la requérante, retournée en Espagne pour vivre auprès de sa famille en Espagne et non pour rechercher l'application de dispositions plus favorables à la réalisation de son projet que la loi française, le refus d'exportation des gamètes conservés en France qui lui a été opposé sur le fondement des dispositions de l'article L.2141-11-1 du CSP porte, eu égard à l'ensemble des circonstances de la présente affaire, une atteinte manifestement excessive au droit de l'épouse au respect de la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la CEDH.

SOURCE : Conseil d'État, Assemblée, 31/05/2016, 396848, Publié au recueil Lebon

Toute la jurisprudence est disponible sur www.juripredis.com

Chiffres clés
+ de 25 ansd’expérience
Une véritable base de données spécialisée dans le droit public
+ de 5000questions réponses
Paiement
100% sécurisé
+ de 200modèles téléchargeables