Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

L’absence de notification à l’intéressé de la décision de perte de validité de son permis de conduire pour solde de point nul peut-elle lui donner du temps pour récupérer son permis ?

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OUI : dans un arrêt en date du 17 février 2016, le Conseil d’Etat considère que dans le cas où il apparaît que le solde des points était nul à la date à laquelle une décision constatant la perte de validité d'un permis de conduire pour solde de points nul est intervenue mais que, faute pour l'administration de l'avoir rendue opposable en la notifiant à l'intéressé, celui-ci a pu ultérieurement remplir les conditions pour bénéficier d'une reconstitution totale ou partielle de son capital de points, il appartient au juge de prononcer l'annulation de la décision.

Les décisions portant retrait de points d'un permis de conduire, de même que celles qui constatent la perte de validité du permis pour solde de points nuls, ne sont opposables à son titulaire qu'à compter de la date à laquelle elles lui sont notifiées.

Tant que le retrait de l'ensemble des points du permis ne lui a pas été rendu opposable, l'intéressé peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 223-6 du code de la route prévoyant des reconstitutions de points lorsque le titulaire du permis a accompli un stage de sensibilisation à la sécurité routière ou qu'il n'a commis aucune infraction ayant donné lieu à retrait de points pendant une certaine période.

Il appartient au juge administratif, saisi d'une contestation portant sur un retrait de points du permis de conduire, lequel constitue une sanction que l'administration inflige à un administré, de se prononcer sur cette contestation comme juge de plein contentieux.

Il en va de même lorsque le juge est saisi d'un recours contre une décision constatant la perte de validité d'un permis de conduire pour solde de points nul. Dans le cas où il apparaît que le solde des points était nul à la date à laquelle une telle décision est intervenue mais que, faute pour l'administration de l'avoir rendue opposable en la notifiant à l'intéressé, celui-ci a pu ultérieurement remplir les conditions pour bénéficier d'une reconstitution totale ou partielle de son capital de points, il appartient au juge de prononcer l'annulation de la décision.

SOURCE : Conseil d'État, 5ème / 4ème SSR, 17/02/2016, 380684

JURISPRUDENCE :

Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 18/09/2009, 327027, Publié au recueil Lebon

« Aucun principe général, ni aucune disposition législative ou réglementaire, ne fait obligation au titulaire d'un permis de conduire de déclarer à l'autorité administrative sa nouvelle adresse en cas de changement de domicile. Il en résulte qu'alors même qu'il n'aurait pas signalé ce changement aux services compétents, la présentation à une adresse où il ne réside plus du pli notifiant une décision relative à son permis de conduire et prise à l'initiative de l'administration n'est pas de nature à faire courir à son encontre le délai de recours contentieux. La circonstance qu'il serait également titulaire du certificat d'immatriculation d'un véhicule, et soumis en cette qualité, par les dispositions de l'article R. 322-7 du code de la route, à l'obligation de signaler ses changements de domicile aux services compétents en la matière, est à cet égard sans incidence. »

Conseil d'Etat, Avis Section, du 20 juin 1997, 185323 185324 185325 185326, publié au recueil Lebon

« Il résulte des dispositions des articles L.11-1, L.11-3, L.11-5 et R.258 du code de la route que, lorsqu'il est informé par le ministre de l'intérieur de la perte totale des points affectés au permis de conduire, le préfet ou l'autorité compétente a compétence liée pour enjoindre à ce dernier de restituer son titre de conduite, sans que cela fasse obstacle, d'une part, à ce que, à l'appui de sa demande dirigée contre l'arrêté préfectoral, l'intéressé puisse invoquer, dans les délais, l'illégalité de la décision du ministre et, d'autre part, à ce que le préfet tire les conséquences de décisions de justice devenues définitives ayant annulé des décisions de retrait de points prises par le ministre.
La durée du délai dans lequel intervient la notification d'une décision de retrait de points de permis de conduire est sans effet sur la légalité de celle-ci.
Si le nombre de points affectés au permis de conduire est réduit de plein droit lorsqu'est établie la réalité de l'infraction donnant lieu au retrait de points, il résulte de la combinaison de ces mêmes dispositions et de celles de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1978 que la décision constatant la perte de points, qui doit être portée à la connaissance de l'intéressé par lettre simple, ne lui est opposable qu'à compter de la date à laquelle cette notification lui est parvenue. Le titulaire du permis est en droit de faire usage de la possibilité de demander la reconstitution partielle du nombre de points initial de son permis, dans les conditions prévues par l'article L.11-6 du code de la route, dès que le ministre de l'intérieur a pris la décision de retrait de points, quelle que soit la date à laquelle cette décision a été portée à la connaissance de l'intéressé. »

Conseil d'Etat, 5 / 3 SSR, du 16 octobre 1998, 169913 169946, mentionné aux tables du recueil Lebon

« M. J., qui avait déjà perdu 9 des 12 points affectés à son permis de conduire, a effectué le stage de sensibilisation prévu par l'article L.11-6 du code de la route et a obtenu à compter du 8 octobre 1994, par décision préfectorale du 12 octobre, la reconstitution de 4 points à laquelle lui donnait droit ce stage avant que n'intervienne, le 20 décembre 1994, la décision du ministre de l'intérieur portant à sa connaissance la perte de 4 autres points consécutive à une condamnation du 5 mai 1994 et qu'elle lui soit par conséquent opposable . Ainsi, l'intéressé, qui était toujours titulaire d'un permis de conduire, a pu légalement bénéficier de la reconstitution de 4 points à la suite du stage effectué. Illégalité de la décision préfectorale du 17 janvier 1995 constatant que M. J. avait perdu tous les points affectés à son permis et lui enjoignant de restituer son titre de conduite. »

Conseil d'Etat, 5 / 3 SSR, du 31 mars 1999, 170111, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Il résulte des dispositions des articles L. 11-1, L. 11-3, L. 11-5, L. 11-6, R. 258 et R. 262 du code de la route, éclairées notamment par les travaux préparatoires de la loi du 10 juillet 1989, qui si le nombre de points affectés au permis de conduire est réduit de plein droit lorsqu'est établie, par le paiement d'une amende forfaitaire ou par une condamnation définitive, la réalité de l'infraction donnant lieu à retrait de points, la perte de points doit être portée à la connaissance de l'intéressé par lettre simple du ministre de l'intérieur. Dès lors, la décision constatant la perte de points n'est, en vertu des dispositions de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1978 fixant les relations entre l'administration et le public et auxquelles les auteurs de la loi du 10 juillet 1989 n'ont pas entendu déroger, opposable à l'intéressé qu'à compter de la date où cette décision a été portée à la connaissance de l'intéressé. Ainsi, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du ministre de l'intérieur retirant à M. R. les 2 points qui lui restaient, à la suite de la condamnation pénale prononcée à son encontre, avait été portée à la connaissance de l'intéressé à la date à laquelle le préfet a statué sur sa demande tendant à la reconstitution de 4 points consécutive au stage qu'il avait accompli, le préfet ne pouvait refuser de procéder à cette reconstitution au motif que l'intéressé avait perdu la totalité des points affectés à son permis. Illégalité de la décision du préfet refusant de procéder à la reconstitution et enjoignant à l'intéressé de restituer son permis de conduire . »

Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 21/10/2013, 370324

« L'article L. 223-6 du code de la route, qui prévoit que le titulaire du permis de conduire qui a commis une infraction ayant donné lieu à retrait de points peut obtenir une récupération de points s'il suit un stage de sensibilisation à la sécurité routière, n'a ni pour objet ni pour effet de permettre au conducteur auquel une décision constatant la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul a été notifiée de récupérer des points en accomplissant, postérieurement à cette notification, un stage de sensibilisation à la sécurité routière. La circonstance qu'une telle décision a été suspendue par le juge des référés n'a pas pour effet, eu égard au caractère provisoire de la suspension, de rouvrir à l'intéressé une possibilité de récupération de points, dont il pourrait se prévaloir pour demander au juge, appelé à statuer sur la demande d'annulation de la décision constatant la perte de validité du permis de conduire en fonction de la situation existant à la date du jugement , de prononcer cette annulation. »

Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 09/07/2010, 336556, Publié au recueil Lebon

« Saisi d'une contestation portant sur un retrait de points du permis de conduire, qui constitue une sanction infligée à un administré, le juge administratif se prononce comme juge de plein contentieux. Par suite, il lui appartient, le cas échéant, de faire application d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle la réalité de l'infraction à l'origine du retrait de points a été établie et celle à laquelle il statue, et, à cette fin, de prendre une décision qui se substitue à celle de l'administration. Constitue, pour l'application de ces règles, une loi nouvelle plus douce dont le juge doit faire application une modification du barème de retrait de points établi sur le fondement de l'article L. 223-2 du code de la route dans un sens moins rigoureux, ainsi que l'abrogation, postérieurement à la commission de celle-ci, des dispositions qui réprimaient l'infraction. Tel n'est pas le cas, en revanche, de la modification, postérieurement aux faits litigieux, de la réglementation routière applicable au lieu où l'infraction a été relevée, une telle modification n'affectant ni l'incrimination, ni la sanction. »

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