Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Un hôpital public peut-il être tenu d’indemniser le préjudice résultant du vol des effets personnels dans l’armoire vestiaire d’une infirmière ?

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OUI : dans un arrêt en date du 20 mai 2016, le Conseil d’Etat considère que le tribunal administratif a jugé qu'en laissant en usage des armoires métalliques dont la porte est aisément « pliable » et en ne mettant pas à la disposition de Mme B... un casier fermé, sinon au sein même de son unité, du fait des caractéristiques particulières des locaux où elle est installée, à tout le moins dans des locaux offrant des garanties de sécurité supérieures à celles du vestiaire dans lequel le vol a été commis, alors que plusieurs autres vols avaient été commis peu auparavant dans ce vestiaire, les Hôpitaux civils de Colmar ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité. Le Conseil d’Etat a également jugé dans cet arrêt que la circonstance qu'un agent soit susceptible de bénéficier de la protection de la collectivité qui l'emploie pour obtenir réparation d'un préjudice qu'il estime avoir subi ne fait pas obstacle à ce qu'il recherche, à raison des mêmes faits, la responsabilité pour faute de cette collectivité.

En l'espèce, Mme A...B..., infirmière dans la fonction publique hospitalière, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner les Hôpitaux civils de Colmar, son employeur, à réparer les préjudices qu'elle a subis à raison du vol de ses effets personnels dans l'armoire métallique du vestiaire mis à sa disposition dans les locaux de l'hôpital. Par un jugement n° 1106157 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif a condamné les Hôpitaux civils de Colmar à verser à Mme B... la somme de 1 016,86 euros.

Par une ordonnance n° 14NC02261 du 2 février 2015, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 février 2015, le président de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi formé par les Hôpitaux civils de Colmar contre ce jugement.

Par le jugement dont les Hôpitaux civils de Colmar demandent l'annulation partielle, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé que le vol dont Mme B..., infirmière dans cet établissement public, a été victime le 15 novembre 2011 était dû à une faute dans l'organisation du service et a condamné l'établissement à lui verser une indemnité d'un montant de 1 016, 86 euros.

Les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, en vertu desquelles une collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires qu'elle emploie à la date des faits en cause contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté, sont relatives à un droit statutaire à protection qui découle des liens particuliers qui unissent une collectivité publique à ses agents et n'ont pas pour objet d'instituer un régime de responsabilité de la collectivité publique à l'égard de ses agents.

La circonstance qu'un agent soit susceptible de bénéficier de la protection de la collectivité qui l'emploie pour obtenir réparation d'un préjudice qu'il estime avoir subi ne fait pas obstacle à ce qu'il recherche, à raison des mêmes faits, la responsabilité pour faute de cette collectivité.

Par suite, et à supposer même que Mme B... ait pu, à raison des faits en cause dans le litige dont il était saisi, bénéficier de la protection prévue par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en statuant sur ses conclusions tendant à ce que soit reconnue la responsabilité pour faute des Hôpitaux civils de Colmar.

En vertu de l'article R.4228-6 du code du travail, applicable aux Hôpitaux civils de Colmar sur le fondement du 3° de l'article L.4111-1 du même code, les vestiaires collectifs doivent être pourvus d'un nombre suffisant d'armoires individuelles ininflammables, munies d'une serrure ou d'un cadenas.

Il incombe à l'établissement employeur, qui est tenu à une obligation de moyens pour protéger les objets que les personnels déposent dans les vestiaires collectifs, d'établir qu'ont été installées dans ces vestiaires des armoires conformes aux exigences de l'article R.4228-6 du code du travail et qu'il a pris, compte tenu des circonstances de l'espèce, notamment lorsque des vols ont déjà été commis dans ces armoires, des précautions analogues à celles qu'il aurait prises pour assurer la garde de choses lui appartenant.

Dans son arrêt en date du 20 mai 2016, le Conseil d’Etat considère que le tribunal administratif a jugé qu'en laissant en usage des armoires métalliques dont la porte est aisément « pliable » et en ne mettant pas à la disposition de Mme B... un casier fermé, sinon au sein même de son unité, du fait des caractéristiques particulières des locaux où elle est installée, à tout le moins dans des locaux offrant des garanties de sécurité supérieures à celles du vestiaire dans lequel le vol a été commis, alors que plusieurs autres vols avaient été commis peu auparavant dans ce vestiaire, les Hôpitaux civils de Colmar ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité.

Contrairement à ce que soutiennent les Hôpitaux civils de Colmar, le tribunal administratif, dont le jugement est suffisamment motivé, s'est prononcé au vu de l'équipement mis à la disposition du personnel dans les locaux de l'unité où travaillait Mme B...et n'a pas omis de tenir compte des contraintes matérielles qui s'imposaient à cet établissement du fait de la configuration de ces locaux.

Il a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que les Hôpitaux civils de Colmar auraient pu mettre à disposition des personnels de ce service un casier fermé dans des locaux offrant de meilleures garanties de sécurité, éventuellement hors de l'unité concernée.

Dans ces conditions, le tribunal n'a commis ni erreur de droit, ni erreur de qualification juridique des faits en jugeant que les Hôpitaux civils de Colmar avaient commis une faute de nature à engager leur responsabilité.

Il résulte de ce qui précède que le pourvoi des Hôpitaux civils de Colmar doit être rejeté.

SOURCE : Conseil d'État, 8ème et 3ème chambres réunies, 20/05/2016, 387571

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