Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Record de France pulvérisé : une juridiction des pensions aura mis 31 ans et 9 mois pour statuer sur le refus d'attribution d'une pension d’invalidité à un militaire !!!

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EN BREF : vous avez bien lu, il aura fallu 31 ans et 9 mois pour que des juridictions du 1er et 2ème degrés  des pensions militaires statuent sur une contestation élevée en 1981 par un militaire à l’encontre du refus du ministère de la défense de lui attribuer  une pension militaire d'invalidité pour différentes affections liés à des accidents survenus dans le cadre de son service, dont une affection cervico-dorsalgique et pour laquelle il lui a donné finalement raison 31 ans et 6 mois après.

SOURCE : Conseil d'État, 4ème SSJS, 15/04/2016, 387980, Inédit au recueil Lebon

Dans un arrêt d'assemblée du 28 juin 2002, le Conseil d'Etat a jugé qu' "un délai de jugement de 7 ans et 6 mois pour une requête qui ne présente pas de difficulté particulière excède le délai raisonnable."

Il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable.

Si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect.

Ainsi, lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation du dommage ainsi causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice.

En l’espèce, il résulte de l'instruction que M. B... a demandé le 26 mai 1981 au ministre de la défense le versement d'une pension militaire d'invalidité pour différentes affections liés à des accidents survenus dans le cadre de son service, dont une affection cervico-dorsalgique.

Le ministre n'ayant pas fait droit à cette demande, M. B... a saisi le tribunal départemental des pensions de Corse du sud qui a rendu un jugement le 24 mai 2000.

Le ministre a pris le 18 décembre 2000 un arrêté faisant droit aux demandes de M. B... mais rejetant sa demande concernant la prise en compte de son affection cervico-dorsalgique.

Le requérant a alors saisi à nouveau le tribunal départemental des pensions de Corse du sud le 23 avril 2001 qui, après avoir diligenté une expertise en 2007, a fait droit à la demande de M. B... par un jugement du 3 juin 2009.

Par un arrêt du 16 mai 2011, la cour régionale des pensions de Corse a rejeté l'appel du ministre de la défense mais a rejeté également la demande de M. B... tendant au paiement des intérêts moratoires sur les arrérages de la pension militaire d'invalidité qui lui était due au titre de l'affection en cause.

Par une décision du 6 mars 2013, le Conseil d'Etat, saisi par M. B..., a cassé cet arrêt en tant qu'il a rejeté sa demande tendant au paiement des intérêts moratoires et, réglant l'affaire au fond, a fait droit à la demande de l'intéressé.

Dans son arrêt en date du 15 avril 2016, le Conseil d’Etat constate que la durée globale de la procédure, qui doit s'apprécier à compter de la date de la demande de pension présentée par M. B... auprès du ministre de la défense, cette demande étant un préalable obligatoire à la saisine de la juridiction des pensions, a été de 31 ans et 9 mois. La Haute juridiction administrative considère ensuite que si l'affaire, qui a nécessité des expertises devant le tribunal départemental des pensions, présentait des éléments de complexité, M. B...est néanmoins fondé à soutenir que son droit à un délai raisonnable de jugement a été méconnu et à demander la réparation par l'Etat des préjudices qu'il a subis pour ce motif.

Le Conseil d’Etat constate qu’il  résulte de l'instruction qu'en l'espèce, M. B...a subi, du fait du délai excessif de la procédure de jugement, des désagréments allant au-delà de ceux provoqués habituellement par un procès et en conclut qu’il sera fait une juste appréciation de ce préjudice moral en le fixant à 20 000 euros tous intérêts compris au jour de décision et a mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser au cabinet d’avocat au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative dans la mesure où il renonce à percevoir l’aide juridictionnelle.

SOURCE : Conseil d'État, 4ème SSJS, 15/04/2016, 387980, Inédit au recueil Lebon

JURISPRUDENCE :

Conseil d'Etat, Assemblée, du 28 juin 2002, 239575, publié au recueil Lebon

" Il résulte des stipulations des articles 6, paragraphe 1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lorsque le litige entre dans leur champ d'application, ainsi que, dans tous les cas, des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives, que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable. Un délai de jugement de 7 ans et 6 mois pour une requête qui ne présente pas de difficulté particulière excède le délai raisonnable."

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