Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Un agent public est-il toujours civilement responsable des conséquences dommageables d’un délit qu’il a commis dans l’exercice de ses fonctions ?

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NON : avant de se prononcer sur la responsabilité civile d’un agent public ayant agi dans l’exercice de ses fonctions, le juge judiciaire doit rechercher si la faute qui lui est reprochée a bien le caractère d’une faute personnelle détachable du service. Il est donc important de plaider « in limine litis »  la faute de service et de soulever l’incompétence du tribunal correctionnel au profit du tribunal administratif pour statuer sur les intérêts civils (demande préalable en indemnisation et recours de plein contentieux avec avocat obligatoire). Dans un arrêt en date du 15 mars 2016, la chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle que les tribunaux répressifs de l'ordre judiciaire sont incompétents pour statuer sur la responsabilité d'une administration ou d'un service public, en raison du fait dommageable commis par l'un de leurs agents. En outre, l'agent d'un service public n'est, personnellement, responsable des conséquences dommageables de l'acte délictueux que si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions.

Ainsi, en se reconnaissant compétente pour statuer sur la responsabilité civile d’un maire ayant agi dans l'exercice de ses fonctions, sans rechercher, comme elle y était tenue même d'office, si la faute imputée à celui-ci présentait le caractère d'une faute personnelle détachable du service, la cour a violé les textes précités et le principe visés au moyen.

EXTRAIT :

 « (…) Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 à 13 de la loi des 16-24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III, du principe de la séparation des pouvoirs, des articles 29, 32 et 48 de la loi du 29 juillet 1881, 1382 du code civil, et des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que la cour d'appel, retenant sa compétence, a reçu M. Y...en sa constitution de partie civile et a condamné M. X..., exerçant les fonctions de maire de la commune de Woippy, à payer à M. Y...la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

« aux motifs que le tribunal a fait une exacte appréciation de la recevabilité de la constitution de M. Y...et au vu des éléments soumis à son examen, une exacte appréciation du préjudice moral ainsi qu'une équitable application à son profit des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

« alors que les tribunaux répressifs de l'ordre judiciaire sont incompétents pour statuer sur la responsabilité d'une administration ou d'un service public, en raison du fait dommageable commis par l'un de leurs agents ; qu'en outre, l'agent d'un service public n'est, personnellement, responsable des conséquences dommageables de l'acte délictueux que si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions ; qu'en se reconnaissant compétente pour statuer sur la responsabilité civile de M. X..., maire de la commune de Woippy ayant agi dans l'exercice de ses fonctions, sans rechercher, comme elle y était tenue même d'office, si la faute imputée à celui-ci présentait le caractère d'une faute personnelle détachable du service, la cour a violé les textes précités et le principe visés au moyen » ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Attendu, d'une part, que les tribunaux répressifs de l'ordre judiciaire sont incompétents pour statuer sur la responsabilité d'une administration ou d'un service public en raison d'un fait dommageable commis par l'un de leurs agents ; que, d'autre part, l'agent d'un service public n'est personnellement responsable des conséquences dommageables de l'acte délictueux qu'il a commis que si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions ;

Attendu qu'après avoir déclaré M. X...coupable du délit de diffamation, et prononcé à son encontre une peine d'amende, l'arrêt l'a condamné à verser des dommages-intérêts à la partie civile ;

Mais attendu qu'en se reconnaissant ainsi compétente pour statuer sur la responsabilité civile du prévenu, maire ayant agi dans l'exercice de ses fonctions, sans rechercher si la faute imputée à celui-ci présentait le caractère d'une faute personnelle détachable du service, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe rappelé ci-dessus ;

Qu'il n'importe que M. X...n'ait pas opposé devant les juges du fond l'exception dont il pouvait se prévaloir, l'incompétence des juridictions étant en pareil cas d'ordre public ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; »

SOURCE : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 mars 2016, 14-87.237, Publié au bulletin

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