Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Le juge administratif doit-il répondre à un moyen irrecevable qui n’est pas inopérant ?

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OUI : dans un arrêt en date du 27 juin 2016, le Conseil d’Etat considère qu’une Cour administrative d’appel qui s'abstient de répondre à un moyen qui n'est pas inopérant motive insuffisamment son arrêt, y compris si le moyen en cause est irrecevable.

Le moyen est irrecevable  s'il n'est assorti d'aucune justification : moyen imprécis ou moyen « qui ne peut être utilement invoqué ».

Le moyen est  inopérant  lorsqu’il est sans lien direct avec le litige comme par exemple le moyen fondé sur une législation qui n'est pas applicable au cas d'espèce.

Mme B ..., recrutée en 1980 par le centre hospitalier Henri Dunant en qualité de masseur kinésithérapeute, et ayant souffert de diverses pathologies depuis l'année 2003, a été placée en position de disponibilité d'office, à compter du 15 juillet 2009, par une décision du 14 avril 2010 du directeur de cet établissement.

Cette décision a été annulée par un jugement du 28 février 2012 du tribunal administratif de Dijon, devenu définitif, au motif que la procédure suivie devant la commission de réforme n'avait pas été régulière.

Mme B ...a formé, le 12 juillet 2012, une demande auprès du centre hospitalier afin que celui-ci l'indemnise des pertes de traitement et d'indemnités journalières qu'elle estime avoir subies entre le 15 juillet 2009 et le 28 février 2012, évaluées à un montant total de 93 428,68 euros, ainsi que des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence causés par cette privation de revenus, évalués à 15 000 euros.

Cette demande ayant été implicitement rejetée, Mme B ... a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une requête tendant à ce que le centre hospitalier soit condamné à lui verser les indemnités demandées, laquelle a été rejetée par un jugement du 11 avril 2013.

Par un arrêt du 4 novembre 2014 contre lequel Mme B ... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel contre ce jugement.


En l’espèce, pour justifier des pertes de traitements qu'elle estime avoir subies, Mme B ... a fait valoir, pour la première fois en appel, dans un mémoire enregistré le 1er août 2014, qu'elle avait droit au maintien de son plein traitement jusqu'à l'adoption de la décision définitive prise à l'issue de la procédure ayant justifié la saisine de la commission de réforme, en vertu des dispositions de la dernière phrase de l'article 13 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, aux termes desquelles : « Le traitement auquel l'agent avait droit, avant épuisement des délais en cours à la date de saisie de la commission de réforme, lui est maintenu durant les délais mentionnés et en tout état de cause jusqu'à l'issue de la procédure justifiant la saisie de la commission de réforme ».

La cour a rejeté la requête de Mme B ... sans répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant.

Dès lors, elle a insuffisamment motivé son arrêt.

Celui-ci doit être annulé pour ce motif, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi.

SOURCE : Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 27/06/2016, 386957

JURISPRUDENCE :

S'agissant d'un moyen inopérant :

Conseil d’Etat, Section, 25 mars 1960, Sieur ..., n° 35805, p. 234 ;

Conseil d’Etat, Section, 10 juillet 1964, Sieur ..., n° 4953, p. 397 ;

Conseil d’Etat, 27 mai 1994, M... n° 121819, p. 266, aux Tables sur d'autres points.  

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