Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Un refus illégal de nomination ou de promotion implique-t-il automatiquement une indemnisation ?

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NON : il faut que lors de sa demande d’indemnisation à l’administration, le fonctionnaire illégalement écarté démontre, avec production de pièces probantes à l’appui, qu’il a perdu une chance sérieuse d'être nommé ou promu dans l’emploi convoité. Dans un arrêt en date du 25 mars 2016, le Conseil d’Etat considère qu’en se bornant ensuite à affirmer, pour rejeter les conclusions indemnitaires du requérant, que le préjudice qu'elle aurait subi ne pouvait être regardé comme la conséquence du vice dont ces décisions étaient entachées, sans rechercher si l'irrégularité de la procédure de promotion n'avait pas entraîné pour l’agent de perte de chance sérieuse d'être nommée à la classe exceptionnelle des professeurs de l'ESPCI, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit.

En l’espèce, Mme A ..., professeure de première classe à l'Ecole supérieure de physique et de chimie industrielle de la ville de Paris (ESPCI), a postulé, sans succès, notamment en 2007, 2008, 2009 et 2010, à la classe exceptionnelle du corps des professeurs de cette école.

Elle a demandé au tribunal administratif de condamner la ville de Paris à lui verser une indemnité de 250 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des refus illégaux de promotion à la classe exceptionnelle.

Le tribunal administratif de Paris a, par un jugement du 25 juin 2013, rejeté ses demandes.

Par un arrêt du 30 septembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé ce jugement pour irrégularité et évoqué l'affaire, a rejeté également ses demandes.

Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les décisions promouvant d'autres candidats que Mme A...à la classe exceptionnelle des professeurs de l'ESPCI et révélant, par conséquent, des décisions de refus de promotion de l'intéressée, ont été prises par le maire de Paris au vu du tableau d'avancement établi par la commission administrative paritaire, après avis du conseil d'administration de l'école, conformément à la procédure prévue par les dispositions combinées de l'article 36 du décret du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes et de l'article 18 du statut particulier des professeurs de l'ESPCI.

Dans un arrêt en date du 25 mars 2016, le Conseil d’Etat considère que la cour administrative d'appel de Paris, après avoir relevé que cette procédure de promotion à la classe exceptionnelle des professeurs de l'ESPCI mise en place par la ville de Paris méconnaissait le principe fondamental reconnu par les lois de la République d'indépendance des professeurs de l'enseignement supérieur, qui impose notamment, sous la seule réserve des prérogatives inhérentes à l'autorité investie du pouvoir de nomination, que, dans le cadre du déroulement de leur carrière, l'appréciation portée sur la qualité scientifique des travaux de ces enseignants ne puisse émaner que d'organismes où les intéressés disposent d'une représentation propre et authentique impliquant qu'ils ne puissent être jugés que par leurs pairs, a jugé que Mme A ... était, par suite, fondée à soutenir que la procédure ayant conduit à l'appréciation de ses mérites avait été entachée d'une illégalité fautive.

En se bornant ensuite à affirmer, pour rejeter les conclusions indemnitaires de Mme A ..., que le préjudice qu'elle aurait subi ne pouvait être regardé comme la conséquence du vice dont ces décisions étaient entachées, sans rechercher si l'irrégularité de la procédure de promotion n'avait pas entraîné pour Mme A ... de perte de chance sérieuse d'être nommée à la classe exceptionnelle des professeurs de l'ESPCI, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit.

 Par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme A ..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

SOURCE : Conseil d'État, 3ème / 8ème SSR, 25/03/2016, 386199

JURISPRUDENCE :

Dans cet exemple, le fonctionnaire illégalement écarté au profit d’un autre candidat n’avait pas une chance sérieuse d'obtenir l’emploi et n’a donc pas été indemnisé.

Conseil d'Etat, 4 / 1 SSR, du 25 novembre 1998, 181664, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Maître de conférences candidate à un emploi de professeur des universités ayant été classée première par la commission de spécialistes de l'université en cause mais ayant été écartée, au profit d'un autre candidat, par le Conseil national des universités, et ayant obtenu, par une décision du Conseil d'Etat en date du 1er avril 1996, l'annulation de la décision du Conseil national des universités et du rejet de son recours administratif par le ministre au motif que la délibération de la commission de spécialistes était entachée d'une irrégularité. Si elle demande réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de l'illégalité tant de la délibération de la commission de spécialistes que de la décision du ministre, il ressort toutefois de l'ensemble des pièces du dossier, et notamment de la circonstance que le Conseil national des universités n'avait pas retenu sa candidature, que l'intéressée ne peut être regardée comme ayant été privée par ces décisions illégales de chances sérieuses d'obtenir à l'époque un emploi de professeur des universités. »

Conseil d'Etat, 4 / 1 SSR, du 1 avril 1996, 158879, inédit au recueil Lebon

Conseil d'Etat, du 21 novembre 1969, 76806, publié au recueil Lebon

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