Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

La mise à la retraite d'office pour invalidité peut-elle prendre effet de manière rétroactive ?

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NON : dans un arrêt en date du 05 décembre 2016, le Conseil d’Etat précise qu'en l'absence de modification de la situation de l'agent, l'administration a l'obligation de le maintenir en congé de maladie avec plein traitement jusqu'à la reprise de service ou jusqu'à sa mise à la retraite, qui ne peut prendre effet rétroactivement. 

Ainsi, en jugeant, pour rejeter les conclusions dirigées par M. A... contre l'arrêté du 8 décembre 2011 du recteur de l'académie de Montpellier, que l'administration était tenue, afin de régulariser sa situation, de le mettre rétroactivement à la retraite à compter du 16 octobre 2010, à l'issue d'un congé de maladie d'une durée de douze mois, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

M.A..., enseignant en lycée professionnel à Perpignan, a été placé en congé de maladie à compter du 15 octobre 2009, date de consolidation de son état à la suite de l'accident de service dont il avait été auparavant victime.

Par un arrêté du 8 décembre 2011 du recteur de l'académie de Montpellier, l'intéressé a été rétroactivement admis à la retraite pour invalidité à compter du 16 octobre 2010, date d'expiration de son congé de maladie d'un an.

Par un jugement du 27 septembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 28 septembre 2011 du recteur de l'académie de Montpellier en tant qu'elle a refusé d'accorder à l'intéressé un congé de maladie pour accident de service, avec plein traitement, jusqu'à sa mise à la retraite le 16 octobre 2010, condamné l'Etat à indemniser M. A...au titre des pertes de rémunération et des troubles dans les conditions d'existence pour la période courant jusqu'au 16 octobre 2010 et rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2011 en tant qu'il avait une portée rétroactive et à l'indemniser à ce dernier titre ainsi qu'au titre du préjudice moral.

Par un arrêt du 10 juillet 2015, contre lequel M. A... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête contre ce jugement, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions.

Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : « Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. (...) »

Aux termes de l'article 63 de la même loi : «  Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. (...). Le reclassement (...) est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. »

Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : « Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article. »

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d'un accident de service, d'une maladie contractée ou aggravée en service ou de l'une des autres causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et qui se trouve dans l'incapacité permanente d'exercer ses fonctions au terme d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé maladie, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou d'un congé de longue durée, doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emploi, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes.

S'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation.

Il appartient à l'autorité compétente de se prononcer sur la situation de l'intéressé au vu des avis émis par le comité compétent, sans être liée par ceux-ci.

Dans son arrêt en date du 05 décembre 2016, le Conseil d’Etat précise qu'en l'absence de modification de la situation de l'agent, l'administration a l'obligation de le maintenir en congé de maladie avec plein traitement jusqu'à la reprise de service ou jusqu'à sa mise à la retraite, qui ne peut prendre effet rétroactivement.

Ainsi, en jugeant, pour rejeter les conclusions dirigées par M. A... contre l'arrêté du 8 décembre 2011 du recteur de l'académie de Montpellier, que l'administration était tenue, afin de régulariser sa situation, de le mettre rétroactivement à la retraite à compter du 16 octobre 2010, à l'issue d'un congé de maladie d'une durée de douze mois, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 

SOURCE : Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 05/12/2016, 393558

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