Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

La faute personnelle « légère » d’un fonctionnaire peut-elle justifier le refus de lui accorder la protection fonctionnelle ?

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NON : seule une faute personnelle d’une particulière gravité justifierait que la protection fonctionnelle soit refusée à l'agent. Dans un arrêt en date du 22 juin 2015, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé qu'une faute d'un agent de l'Etat qui, eu égard à sa nature, aux conditions dans lesquelles elle a été commise, aux objectifs poursuivis par son auteur et aux fonctions exercées par celui-ci est d'une particulière gravité doit être regardée comme une faute personnelle justifiant que la protection fonctionnelle soit refusée à l'agent, alors même que, commise à l'occasion de l'exercice des fonctions, elle n'est pas dépourvue de tout lien avec le service et qu'un tiers qui estime qu'elle lui a causé un préjudice peut poursuivre aussi bien la responsabilité de l'Etat devant la juridiction administrative que celle de son auteur devant la juridiction judiciaire et obtenir ainsi, dans la limite du préjudice subi, réparation.

M.C..., assistant socio-éducatif au sein du département des Deux-Sèvres, a exercé ses fonctions du 1er mars 1991 au 2 juin 2008 dans le service d'action sociale territoriale de Parthenay.

Le 2 avril 2007, le supérieur hiérarchique de l'intéressé s'est suicidé à son domicile ; que, le 16 juin 2008, le requérant a été placé en garde à vue ; que, par jugement du 9 juin 2009, le tribunal correctionnel de Bressuire l'a condamné à six mois de prison avec sursis pour harcèlement moral à l'encontre de feu son supérieur hiérarchique.

Par courrier du 26 mai 2010 reçu le 28 mai suivant, l'intéressé a sollicité auprès de son administration le bénéfice de la protection fonctionnelle ; qu'il a présenté les 27 mai 2010 et 21 août 2012, à la suite du rejet de sa demande né du silence gardé par l'administration, des réclamations tendant à l'indemnisation des préjudices résultant du refus d'octroi de la protection fonctionnelle.

M. C... a fait appel, par une requête enregistrée sous le n° 13BX01577, du jugement du 10 avril 2013 du tribunal administratif de Poitiers rejetant sa requête n° 1002556 tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite rejetant sa demande de protection fonctionnelle et sa requête n°1002662 tendant à l'octroi d'une indemnité de 47 686 euros.

Par une ordonnance du 2 août 2013, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a ordonné que soit transmise au Conseil d'Etat la requête n° 13BX01577 en tant qu'elle concerne le rejet par le jugement attaqué de la demande de M.C..., enregistrée au tribunal administratif de Poitiers sous le n° 1002556, tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande de protection fonctionnelle et que soit enregistré, sous le n° 13BX02260, le surplus de la requête n° 13BX01577 relatif au rejet par le jugement n° 1002662 attaqué de sa demande de condamnation du département des Deux-Sèvres à lui verser une indemnité de 47 686 euros.

Aux termes de l'alinéa 4 de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle. (...) »

Dans son arrêt en date du 22 juin 2015, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé qu'une faute d'un agent de l'Etat qui, eu égard à sa nature, aux conditions dans lesquelles elle a été commise, aux objectifs poursuivis par son auteur et aux fonctions exercées par celui-ci est d'une particulière gravité doit être regardée comme une faute personnelle justifiant que la protection fonctionnelle soit refusée à l'agent, alors même que, commise à l'occasion de l'exercice des fonctions, elle n'est pas dépourvue de tout lien avec le service et qu'un tiers qui estime qu'elle lui a causé un préjudice peut poursuivre aussi bien la responsabilité de l'Etat devant la juridiction administrative que celle de son auteur devant la juridiction judiciaire et obtenir ainsi, dans la limite du préjudice subi, réparation.

En l’espèce, après avoir été mis en examen pour harcèlement moral, dégradation des conditions de travail pouvant porter atteinte aux droits, à la dignité, à la santé ou à l'avenir professionnel d'autrui, M. C... a été définitivement relaxé, par un arrêt de la cour d'appel d'Angers du 11 octobre 2012.

Il ressort de cet arrêt que le juge pénal n'a tenu pour établis que les faits d'avoir envoyé, par inadvertance, un mail obscène à son supérieur hiérarchique, d'être venu travailler en bermuda au cours de l'été et d'avoir chanté ou sifflé le chant de l'Internationale au cours d'une réunion à laquelle il n'est pas établi que M. E... participait.

Si ces faits, qui n'ont pas été reconnus comme constitutifs des infractions pénales reprochées à M.C..., constituaient des fautes personnelles, qui ont au demeurant entraîné l'exclusion du service de l'intéressé pendant trois jours, ils n'avaient pas la gravité suffisante pour justifier le refus d'accorder à M. C... le bénéfice de la protection fonctionnelle au regard des graves infractions qui lui étaient reprochées.

Le département des Deux-Sèvres a donc commis une faute en refusant une telle protection à l'intéressé.

SOURCE : CAA de BORDEAUX, 6ème chambre (formation à 3), 22/06/2015, 13BX02260, Inédit au recueil Lebon

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