Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Acte de droit souple : quel est le point de départ du délai de recours en annulation ?

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EN BREF : c’est la date de la mise en ligne de l’acte de droit souple dans l'espace consacré à la publication des actes du site internet de l'autorité qui l'édicte. (Je suis désolé pour les quelques irréductibles qui n'ont toujours pas Internet). Vous le savez certainement, les choses s'accélèrent et le Conseil d’État accepte désormais d’être saisi de recours en annulation contre des « actes de droit souple », tels que des communiqués de presse ou des avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l'exercice des missions dont elles sont investies, ou bien des prises de position d’autorités publiques.  Ces  actes n’étaient jusqu’alors pas susceptibles de recours juridictionnels dès lors qu’ils n’ont aucun effet juridique.

Conseil d'État, Assemblée, 21/03/2016, 368082, Publié au recueil Lebon

Conseil d'État, Assemblée, 21/03/2016, 390023, Publié au recueil Lebon

Un justiciable peut donc, s'il s'y croit fondé, demander l'abrogation d'un acte de droit souple à l'autorité de régulation qui l'a adopté et, le cas échéant, contester devant le juge de l'excès de pouvoir le refus que l'autorité oppose à cette demande.

Les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l'exercice des missions dont elles sont investies, peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou lorsqu'ils énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance.

Ces actes peuvent également faire l'objet d'un tel recours, introduit par un requérant justifiant d'un intérêt direct et certain à leur annulation, lorsqu'ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d'influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s'adressent.

Dans ce dernier cas, il appartient au juge, saisi de moyens en ce sens, d'examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité de ces actes en tenant compte de leur nature et de leurs caractéristiques, ainsi que du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité de régulation.

Dans son arrêt en date du 13 juillet 2016, le Conseil d’Etat considère qu’en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires prévoyant un autre mode de publication de ces actes de droit souple, la mise en ligne d'un acte de droit souple de la nature de celui contesté en l'espèce sur le site internet de l'autorité de régulation qui l'édicte, dans l'espace consacré à la publication des actes de l'autorité, fait courir, à l'égard des professionnels du secteur dont elle assure la régulation, le délai de recours de deux mois prévu par l'article R.421-1 du code de justice administrative.

La mise en ligne sur un site Internet peut aussi constituer le point de départ du délai de recours contentieux dans les cas suivants :

- S'agissant d'une délibération d’un établissement public.

Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 24/04/2012, 339669, Publié au recueil Lebon

« En l'absence de dispositions prescrivant une formalité de publicité déterminée, les délibérations ayant un caractère réglementaire d'un établissement public sont opposables aux tiers à compter de la date de leur publication au bulletin officiel de cet établissement ou de celle de leur mise en ligne, dans des conditions garantissant sa fiabilité, sur le site internet de cette personne publique. Toutefois, compte tenu de l'objet des délibérations et des personnes qu'elles peuvent concerner, d'autres modalités sont susceptibles d'assurer une publicité suffisante. S'agissant de Voies navigables de France (VNF), avant l'entrée en vigueur du décret n° 2008-1321 du 16 décembre 2008, les délibérations du conseil d'administration relatives aux conditions tarifaires devaient soit être publiées dans le bulletin officiel de cet établissement ou, dans des conditions garantissant sa fiabilité, sur son site internet, soit, eu égard à l'objet de ces délibérations et aux usagers qu'elles visent, et compte tenu de l'étendue du réseau fluvial que cet établissement gère, faire l'objet d'un affichage non seulement à son siège mais aussi chez ses représentants locaux. »

- S'agissant d'actes de droit dur d'une autorité administrative indépendante.

Conseil d'État, 2ème / 7ème SSR, 25/11/2015, 383482, Publié au recueil Lebon

« La mise en ligne sur le site Internet de l'ARCEP des décisions de cette autorité fait courir le délai de recours à l'égard des professionnels du secteur dont elle assure la régulation, même si aucune disposition législative ou réglementaire n'a prévu une telle publication. »

- S'agissant de sanctions prononcées par une fédération sportive.

Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 11/05/2016, 388322

« Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que la délibération du 26 juillet 2012 attaquée a été mise en ligne sur le site internet de la CRE le 2 août 2012, dans l'espace consacré à la publication des délibérations de l'autorité, faisant ainsi courir le délai de recours à l'égard d'un professionnel du secteur tel que la société GDF Suez. La société ne l'ayant pas contestée dans un délai de deux mois à compter de cette date, la CRE est donc fondée à soutenir que les conclusions de la requête dirigées contre cette délibération sont tardives. Néanmoins, la société requérante a, le 7 octobre 2014, demandé le " retrait " de cette délibération. Cette demande, dont elle conteste le rejet dans le délai de recours de deux mois, doit être regardée comme tendant à l'abrogation de cet acte. Par suite, la société requérante est seulement recevable à demander l'annulation de la délibération du 10 décembre 2014 par laquelle la CRE a rejeté cette demande d'abrogation.»

SOURCE : Conseil d'État, Section du Contentieux, 13/07/2016, 388150, Publié au recueil Lebon

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